Nuit blanche
Dans la nuit sans fin simplement traversée, ponctuellement, comme par les saccades des mitrailles et par intermittences, par un soleil vivant, vibrant, seul capable d'éteindre cette nuit atroce, ne le porte-t-elle pas sur la peau, inscrit dans sa chair, alors pourquoi la nuit s'acharne-t-elle ainsi se dit-elle...
Et c'est un autre mais le soleil est toujours le même, qui lui revient. Les grandes avenues parisiennes, étoilées, hélas pas même une étoile cette nuit, même Noir Désir s'est tu, comme celui qui l'écoutait avec elle, comme celui qui ne l'a jamais écouté vraiment, tout se tait dans cette nuit blanche.
Ton étoile où elle est ?
Des mots, des chevaux, des hommes, des rêves, est-ce qu'on pèse les bêtes avant l'abattoir, est-ce qu'on regarde leurs papiers, les noms importent peu, mais pas pour moi. Est-ce que la nuit va finir un jour est-ce que je dormirai comme avant, bercée par mes rêves, pauvre conne tu n'es plus une enfant pourquoi t'acharnes-tu à croire, à attendre, à espérer, à avancer malgré les déflagrations, finalement tu es bien comme ton cheval, une sale caboche, jamais peur de rien mais juste une tête de mule.
Les chevaux comme ça faut les mater disent certains, et toi pauvre idiote t'en a pas pris assez, toujours pas matée la guerrière, c'est pas grave la vie est pleine de ressources, tu vas en prendre encore, jusqu'à ce que tu lâches les rênes, jusqu'à ce que tu cries de terreur, jusqu'à ce que tu tombes ou mettes pied à terre de toi-même.
Je ne mettrai pas pied à terre. Je tiens sa crinière sombre, je cherche pas à le mater, et si je tombe je remonterai et je repartirai.
La nuit s'achève. Pourquoi encore ce soleil incongru s'impose-t-il à moi dans mes yeux brûlants de fatigue, à travers mes larmes et ce jour d'hiver ? Du haut de ma monture, je me redresse car je suis pas tombée finalement, le doux bruit des sabots finit par s'étouffer, on a atteint une plage du Débarquement.